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Il n’y a pas d’âge pour jouir

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Il n'y a pas d'âge pour jouir
Relations / Sexualité

Il n’y a pas d’âge pour jouir

« Il n’y a pas d’âge pour jouir ». Catherine Grangeard, psychanalyste, psychosociologue et auteure vient de publier son dernier livre. Elle a bien voulu répondre à nos questions.

Dans votre prologue, vous citez Clarice Lispector : « “Si j’étais moi” semble représenter notre plus grand danger de vivre, semble l’entrée nouvelle dans l’inconnu ».

Cela veut dire quoi exactement ?

Cela veut dire que si j’étais vraiment en connexion avec moi-même, il y aurait pas mal de choses qui pourraient prendre des directions différentes. Je serais amenée à décider, à m’orienter et organiser ma vie pas obligatoirement avec tout ce qu’on m’impose, si j’étais moi ça serait beaucoup mieux.

Et je me demanderais quelles sont les choses importantes à modifier car la vie est courte. Est-ce que je serais en accord avec moi-même ?

Il ne s’agit pas d’aller vers l’égo ou le nombrilisme ! Serais-je en accord tout simplement avec mes actes ? Comment utiliserais-je ce potentiel qui est le lien pour ma vie et celles de mes proches sans avoir peur ? Soyons à la hauteur de nous-mêmes. N’ayons pas peur… Osons !

Je conseille fortement de se poser cette question. Il ne s’agit pas d’un mea culpa mais de se dire qu’on a des rêves, des ambitions qui ne sont pas des banalités.

On aurait pu appeler le livre « Si j’étais moi » !

Vous écrivez…  « Chercher en permanence à se rendre objet désirable est une prescription de féminité dans notre société. Ainsi se fabrique le malaise. Le désir d’être sexuellement reconnue ne commence pas à 50 ans. Il continue. Le désir de jouir ne connaît pas de limite d’âge ».

Pourquoi est-ce si important d’être reconnue ? Physiquement et sexuellement ?

L’être humain doit pouvoir exister sous toutes les coutures.

Nous sommes, hommes et femmes, à la fois sujet et objet du désir, les femmes un peu plus (et trop souvent) objet car sociologiquement, il y a ces prescriptions qui datent de l’enfance. La petite fille doit être jolie et le garçon costaud pour résumer.

Etre toujours objet c’est essentiel car c’est quelque chose qui est inscrit dans notre monde. Si on n’est plus objet, on n’est plus dans le lien sexuel. C’est l’articulation sujet/objet qui compte.

Nous avons besoin aussi du désir pour exister. Accéder au désir, c’est ce qui épanouit ! L’orgasme n’est pas que physique, c’est au-delà de quelque chose. Avec un amant par exemple, on sent bien quand ce n’est que physique.

Et lorsque deux êtres se rencontrent et quand on est sujet et objet, c’est extraordinaire, quels que soient l’âge, la morphologie, le physique.

C’est indissociable, sinon on ne va pas aller loin en tant qu’être humain.

Dans votre livre, Ondine dit : « J’ai regardé sur Internet, 40 % des femmes ont 50 ans et plus en France. Précisément, l’Insee en a recensé 14 millions en 2019 ».

C’est énorme et pourtant, ces femmes sont oubliées, mises sur le bord de la route, la plupart des actrices vivent une période de creux, les femmes actives sont regardées et parfois jugées après la barrière des 50 ans. Pourquoi ?

A cause des normes ! La femme ramenée à se contenter d’être un objet sexuel ! On doit être dans un schéma de désirabilité.

Nous sommes biberonnées à l’anti-âge. Ce qui est désirable, c’est d’être mince, tonique, jeune. Il n’y a pas de modèle d’identification de belles femmes en dehors de ces qualificatifs, d’où le combat qui est le mien avec les personnes obèses et les femmes mûres. Il faut résister à ces normes mais c’est impossible quand on nous les injecte à notre insu. On ne peut pas être non marquées par ça. On a des schémas en tête. En prendre conscience est la première étape de la libération !

Quel que soit l’âge, on n’est pas en dehors de ce qu’on nous propose comme image de référence, de ce qui est désirable, c’est terrible cette image. Pour illustrer certains articles, on en a marre qu’il n’y ait qu’un seul type de femmes. Si on ne veut pas amener les femmes à la chirurgie esthétique, si on veut qu’elle soit objet de désir et sujet de désir, on a aussi besoin de montrer des femmes moins jolies.

C’est quoi l’empowerment pour vous ? Depuis quand existe-t-il ?

C’est vraiment partir de soi, s’autodéterminer, ça existe depuis toujours, je suis cette petite fille qui parle d’elle, « tu ne me détermines pas, c’est moi qui choisis, c’est moi qui sais mieux que toi ce qu’il me faut ». C’est mon job, l’empowerment, c’est ma vie de psychanalyste !

Les gens qui vont bien ne renoncent pas, ils croient plus en eux qu’aux définitions de l’extérieur. Ils se battent pour réussir à se dégager de diktats qui leur ont été imposés.

On a fabriqué de l’obésité à force de vouloir que les gens correspondent à une taille mannequin, on fabrique des complexes à partir de 35 ans ! Au secours !

L’empowerment, c’est être censé ! C’est quoi cette norme débile des médias, des couturiers qui font défiler des femmes trop minces, trop jeunes ? C’est obscène ! Les couturiers font des vêtements qui mènent à l’anorexie ou à l’obésité, c’est grave ! Les complexes rendent malade.

Les femmes veulent toujours être désirées et correspondre à cet objet fabriqué. Même les médecins sont sexistes, ils créent l’obésité en confondant surpoids et les complications éventuelles de l’obésité. De même, quand ils proposent à l’approche de la ménopause des TSH alors qu’aucun symptôme ne rend la vie de la femme en question compliquée… C’est bien de soigner quand on est malade, mais pas à partir de préjugés !

En tant que femme, c’est rare de se dire « je suis bien » ! Malgré mon grand âge, je peux mettre des jupes courtes et si je n’ai pas envie de mettre de soutien-gorge, je n’en mets pas ! Je fais ce que je veux. Enfin, si je m’y autorise uniquement !

« On ne naît pas vieille, on le devient. Parfois uniquement dans les yeux de l’autre ! ».  Ca veut dire quoi au juste ?

Si on s’habille d’une certaine façon à un certain âge, le regard de l’autre peut nous fait sentir que nous sommes vieilles. Le maquillage par exemple, à partir d’un certain âge, en mettre trop ça fait vieille pute me disait récemment une patiente. Mais, c’est le regard de l’autre qui nous fait dire que nous n’avons plus l’âge ! On introjecte trop les normes de la société, les diktats. Sans même nous en rendre compte, nous subissons les modèles. Si dans notre tête on a intégré ça, on reproduit ces préjugés !

Personnellement, je porte des jupes relativement courtes, et mes bras sont découverts si j’ai chaud, je m’habille en fonction du temps, de que je considère m’aller bien, je suis libre de faire ce dont j’ai envie. Si on osait toutes s’habiller comme on le souhaite à notre âge, ensemble, on finirait par faire avancer les choses ! Les femmes qui ont du pouvoir pourraient servir de modèle, les hommes aussi, ils doivent faire attention à ce qu’ils disent, ils ont des responsabilités. Ils créent des complexes !

Les hommes font-ils une différence entre une femme de plus de 50 ans ou une femme ménopausée ?

Un homme qui dit : moi au-delà de 50 ans, les femmes, je ne les vois plus, il ne fait attention qu’à lui (rires). En fait, il ne voit qu’un objet sexuel, il ne parle pas d’une personne dans son entièreté et de ce qu’on peut vivre ensemble. La seule chose que traduit ce type de paroles, c’est le regard sur l’objet !!! Il objétise un être humain. Après 50 ans, il parle d’un corps, pas d’un partenaire sexuel, il se réfère à un rapport entre un homme et un corps, sinon on ne peut pas dire des choses pareilles. Ces personnes sont en train de trahir ce qu’elles vivent sexuellement avec des gens. Quand on a une telle définition d’un partenariat sexuel, l’autre existe en tant que projection, de fantasme.

Il n’y a pas de différence entre la femme de 50 ans et la femme ménopausée, en réalité. A partir d’un certain âge, l’étape de la ménopause concerne toutes les femmes.

Est-ce que ce mot est un gros mot, la ménopause ?

C’est un des derniers tabous, oui, c’est un gros mot ! Il est imprononçable, associé à des choses négatives, t’es plus une femme, c’est associé à la sécheresse vaginale, au vieillissement, dans ton cœur, t’es devenue vieille. C’est une insulte quand en réunion, un mec dit : « T’es ménopausée ou quoi ?! ».

Mais c’est pareil pour les règles ! T’as tes règles, t’es ménopausée, ces propos mettent mal à l’aise. C’est une insulte ! Même certaines femmes sont aussi dans ce schéma.

J’espère que les jeunes comprendront mon message, le mépris et le sexisme de cet âge !

Naturaliser les femmes, les ramener à leurs hormones a toujours été un argument sexiste.

Dans votre livre, vous dites cette phrase : « Le fait d’être une femme de plus de 50 ans ne rend pas malade ! C’est le sentiment d’être « out » qui rend malade ». Pouvez-vous approfondir ?

Il existe des milliers de manières de vivre sa ménopause, son âge, et penser associer cette période à des désagréments : « Cinquante ans, c’est le début de la fin », ça c’est une façon pleine de préjugés marquée négativement. Il faut s’interroger et peut-être à creuser pourquoi ça serait si terrible d’être en ménopause ?

Certaines mutuelles font des consultations gratuites, mais on n’est pas malade. Pas a priori en tous cas. Certaines ressentent plus de difficultés que d’autres, il n’y a pas une mais des ménopauses !

Je suis effarée de voir qu’on arrive à faire prendre cette étape dans la vie comme quelque chose de dramatique, homme et femme !

Les femmes restent différentes, quels que soient leur âge ou morphologie. Elles ont une histoire, un passé, elles ne se ressemblent pas toutes !

Quelle est la meilleure clé du plaisir ?

Sans réfléchir, c’est la rencontre avec l’autre. Le reste va découler ! On va s’entendre, on va avancer ensemble. Le plaisir va être différent avec telle et telle personne. Il n’y a pas que le plaisir sexuel, il y a aussi le plaisir en amitié, en famille. Et je le répète, ce qui est valable pour l’une ne l’est pas pour l’autre. Il y a bien sûr des invariants, comme être soi, c’est-à-dire s’être libérée de certains freins, de chaînes extérieures comme intérieures. Mais nous n’avons pas toutes les mêmes, n’est-ce pas ?

Dans votre livre, vous dites « Oh, individuellement, on peut parler aux hommes, ils peuvent comprendre. Collectivement, c’est différent ». Pourquoi ?

C’est presque simple. Ce sont deux niveaux différents, collectivement, on est dans quelque chose de normatif, et individuellement, on est dans un échange, sauf si on est borné.

Collectivement, une espèce d’imitation des uns et des autres freine certaines évolutions. Je pensais à la société, au collectif, c’est la résistance de l’inertie. Si on se bouge et que ça fait tache d’huile, le collectif bougera ! Pour cela, il est indispensable qu’individuellement on ait les « mots pour le dire ». Mon livre apporte certains outils, à chacune de se les approprier en fonction de qui elle est, de son histoire, il n’y a pas de recettes !

Quand Brassens chante :

« Quatre-vingt-quinze fois sur cent
La femme s’emmerde en baisant
Qu’elle le taise ou le confesse
C’est pas tous les jours qu’on lui déride les fesses »
.

Pourquoi la plupart des femmes n’ose rien dire ?

La sexualité des femmes, c’est tout un poème, c’est compliqué, on part de loin, de millénaires. Le plaisir masculin était important et la femme qui jouissait était une putain. Le clitoris n’était pas représenté, les femmes qui expriment cette sexualité ont déjà franchi une censure même personnelle. Ca flatte l’homme car lui c’est le bon amant.

On comprend celles qui vont simuler. C’est assez triste que les femmes aient besoin de s’autoriser à jouir alors que l’homme ne se pose pas la question. Nous en sommes encore là. Plus la femme avance en âge, plus sa sexualité s’épanouit. Des femmes simulent pour faire plaisir, pour être une bonne maîtresse, parce que les mecs veulent qu’elles soient contentes. Sinon, t’es frigide. En fonction de l’histoire du couple, il y a la réponse. Brassens a su mettre en lumière ce qui est étouffé dans le secret des alcôves. Les femmes ont avancé depuis, grâce aussi aux luttes menées. Moins on parle des choses, plus elles durent. Il faut mener les gens à se poser des questions, les aider à se dire, juste se dire, que ce n’est pas normal…

Si le cinéma, les médias présentaient les femmes de plus de 50 ans sous un autre aspect, plus érotisant, plus sexy, y aurait-il un vrai bouleversement sur notre vision globale ? Pourrions-nous être successfull ?

Oh que oui, j’en suis persuadée ! Voir des femmes de tous les âges s’épanouir, 14 millions de femmes, quand même ! Oui, on serait successfull !

Je suis étonnée de la réception médiatique de mon livre. C’est un signe que certes il est très bon (rires) mais aussi que le fait social de la sexualité des femmes à la cinquantaine n’est plus un tabou, que c’est l’heure de le briser plus exactement. C’est pour cela que nous pouvons nous réjouir !

On culpabilise souvent les hommes sur l’âgisme des femmes, mais n’entretenons-nous pas cela ? Est-ce une bonne excuse que nous nous trouvons ?

Ce n’est pas une bonne excuse, surtout pas ! Nous sommes hommes et femmes dans une société avec des stéréotypes, une femme sexy qui a plus de 50 ans, c’est pas si facile à imaginer. On aurait besoin de mettre en avant des vedettes de cet âge non refaites. Les crèmes anti-âge portent une responsabilité dans ces angoisses collectives de vieillir. L’anti-âge, c’est clair, non ? Nous avons depuis la trentaine une injonction à nous préserver des marques du temps. Les femmes voient avec terreur ces signes.

Or, souligner qu’avec l’âge nous nous libérons de certaines contraintes pourrait faire percevoir autrement l’avancée en âge inéluctable, à moins d’être morte !

Qu’est-ce que le plaisir sexuel océanique ? Ou jouissance cosmique ? Ca arrive à tout âge ?

C’est quelque chose qui déborde complètement, qui dépasse, quelque chose qui est physique, qui embarque l’être, c’est plus grand que soi-même. Les hommes nous l’envient. Les hommes ont besoin d’une femme pour y accéder. Eux n’y arrivent pas. La jouissance féminine leur fait peur. Ce n’est plus maîtrisable, on a un avantage là-dessus. Eux doivent maîtriser. Je généralise, bien sûr. Le plaisir n’est pas que physique, voilà ce que cela signifie. Le désir est plus grand, plus complet que le seul corps.

Le Cosmos, oui c’est de cet ordre. Et bien sûr que l’âge n’est pas le seul critère. Il y en a qui sont douées très tôt 😊

En conclusion, vous parlez de danse dans votre livre, est-ce que la sexualité est comme la danse, devons-nous être au même rythme ?

Il vaut mieux ! On peut ne pas savoir danser mais bien danser avec un partenaire, que ça soit fluide. Et non un exploit. Il ne s’agit pas de savoir, de technique, mais de s’entendre, de s’accorder avec l’autre. C’est sexy et sensuel la danse. Quand on danse bien, on a presque fait l’amour ! La danse est une rencontre, un accord majeur, entre deux corps mais pas seulement, on ne fait plus qu’un le temps d’une chanson… C’est effectivement une vraie jouissance !

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